Endormir la douleur par la couleur (Marie-Thérèse PEYRIN)

, par jacques

ENDORMIR LA DOULEUR DANS LA COULEUR

Du
du lehrst
du lehrst deine Hände
du lehrst deine Hände du lehrst
du lehrst deine Hände
schlafen.

Toi
tu enseignes
tu enseignes à tes mains
tu enseignes à tes mains tu enseignes
tu enseignes à tes mains
dormir.

Paul CELAN, Grille de parole, Traduction Martine BRODA

Avec les mains ouvertes et tendues au bout des bras, endormir la douleur. La reconnaître, essentielle, verticale et définitive, la rendre volatile, non plus au sens de l’oiseau mais, à celui éthéré de l’Ange intérieur. Visiteur fictif, ardent et protecteur. Servant vigile d’une traversée collective inoubliable. Symbole dévoué d’une évasion spirituelle, conjuratoire et cependant sacrificielle. Funambules berceurs de destins immatériels. Agglutinés conscients aux confins des plus mauvais rêves. Entre terre et ciel, entre sang et silence. Soulever la mémoire comme on élève à plusieurs, un corps au-dessus de lui-même, après la mort surtout, ou dans la Danse, avec vigueur, avec respect, avec égards, avec tendresse. En éclairer l’espace, vouloir consacrer l’élan, avec pudeur, avec amour. Apprendre quelque chose de tout cela, D’abord à soi, par la peinture et la sculpture. Puis le montrer aux autres sans repentir, sans illusion. Renoncer au sommeil dans le rêve créateur jusqu’à épuisement du sujet. Rejoindre enfin le songe étrange d’une balançoire paradoxale car sans attaches, suspendue dans la résolution complète de toute appartenance, celle qui s’est crue si libre, un si long moment ... Garder le cœur ouvert en totale extension vers l’infiniment Beau, le guider vers l’harmonie des consolations premières, lorsque le regard bienveillant aura su honorer à nouveau la confiance. Jadis, pour toujours ou jamais, au présent pour l’avenir. Peut-être… « Chacun fait ce qu’il peut ». Winfried VEIT sculpte et peint. Il apprend et se déprend. Il « enseigne » et se renseigne à son insu avec des signes picturaux puissants et parlants, espérant mieux dormir, ou vivre plus serein, humainement. Nous sommes encore là pour l’épauler avec douceur, et partager sa vision du moment. Toute rencontre de cet ordre est une promesse inavouée de joie profonde. Une œuvre qui cherche son visage pluriel et sa paix intime. Une œuvre fraternelle.

Marie-Thérèse PEYRIN, Mardi 26 Mars 2019