Mariette : poupées, momies et autres mères vierges
Mariette ne cesse de montrer ce qui laisse sans voix. Ou plutôt non : ce qui provoque un effet d’abîme. « Ce ne peut être que la fin du monde en avançant » aurait pu dire Rimbaud à propos d’une telle approche. Chaque œuvre rappelle que la vie tue mais que c’est un don. Comme les images elles-mêmes. C’est pourquoi certains monothéismes les craignent. Car donner, vraiment donner, est difficile.
Les corps sans corps de Mariette possèdent une forme ésotérique, aussi « repoussante » que fascinante. Un habit sur-mesure crée un nid qui n’est pas un linceul. Le tout crée dans le noir le début du jour plus que celui de la nuit. Ce qui n’enlève donc rien la question : que faire avec un corps ? Car voici le corps. Mais à ce point que peut-il faire, que peut-il donner ?
Donner un nom à de tels corps est difficile. Chacun est ouvert donc reste inachevé. Il marche en lui-même. Il n’est pas seul en lui. Des fantômes reviennent le hanter Les morts habitent les vivants L’inverse est vrai aussi. Pour qu’ils persistent dans le cosmos à travers l’étoffe liturgique de toutes les lumières gothiques que Mariette invente.
Ses momies bâtissent un mystère. Leurs toilettes élargissent leur secret. Et dans leurs creux elles débordent la force de vivre contre le peu qu’elle est. Le corps est secoué jusqu’au dernier frisson. D’autres corps sont crucifiés. Mais pour éviter leur chute. Hors de la vie ou hors du corps. Dans tous les cas pas loin de son esprit.
Jean-Paul Gavard-Perret
Mariette et sa maison
La Maison de Mariette. Deux en un et l’un ne va pas sans l’autre.
La Maison, c’est un « petit musée consacré aux œuvres de Mariette, artiste dans la mouvance de “l’art singulier” œuvrant dans le domaine des reliquaires, icônes, ex-voto, sur des mises en scène de notre quotidien. » C’est un bunker énorme en haut d’une colline. Un sanctuaire halluciné et hallucinant. C’est quelque part en Isère, entre la plaine du Guiers et le massif de la Chartreuse. Au loin on aperçoit les montagnes. C’est un univers à soi, un monde à part entière, insoupçonnable derrière les hauts murs de sa forteresse et la nature autour. C’est par hasard que j’y suis entrée, sans connaître et sans me douter. Au vert des arbres, au gris-béton de l’enceinte, au bleu lointain des sommets a succédé le rouge, écarlate, pourpre, sombre et presque noir du dedans. De la Maison de Mariette.
J’ai posé des questions, parce que curieuse, mais sans être sûre que questionner soit le meilleur moyen de rencontrer Mariette et sa Maison. Au fil de la petite correspondance qui s’est installée entre nous, j’ai découvert une personne incroyablement belle et généreuse, toute en douceur et en spontanéité, emplie de tendresse pour toutes les choses qui l’entourent et d’un amour infini pour ses enfants et sa famille.
Source : Le blog de Rosa Abdaloff