Huit questions à Jean-Michel Debilly

, par jacques


1 - D’où vous vient cette passion pour la sculpture ?

J-M D : Depuis toujours, j’ai besoin de transformer la matière, de créer des objets. Avant de venir à la sculpture, j’ai d’abord pratiqué la céramique, le travail du bois… Mais j’ai sûrement été influencé par une sculpture d’Avoscan « Fleur de marbre », installée face à la fenêtre de l’immeuble où je vivais enfant, à Caluire (69). C’était la première fois que je voyais une sculpture contemporaine, et j’étais fasciné.

2 – Quels sont les sculpteurs que vous admirez, et dont vous vous inspirez éventuellement ?

On pourrait citer les sculpteurs français Etienne Martin, Dodeigne, l’Allemand Ulrich Ruckriem, ou, plus récemment, l’Indien Anish Capoor.

3 – Pourquoi cette attirance pour la pierre ?

Je crois que fondamentalement, si l’on se réfère aux anciens débats qui défrayaient la chronique du temps de Michel-Ange, je suis plus du côté des sculpteurs que des modeleurs ; j’ai besoin que la matière résiste. Je pourrais construire du vide, je préfère le faire apparaître en creusant la pierre. Cette approche physique m’est nécessaire.

4 – Comment procédez-vous pour créer une sculpture ?

Une sculpture est toujours l’aboutissement d’un travail sur maquettes. Chaque sculpture se nourrit des précédentes. Beaucoup de maquettes pour peu de sculptures exécutées.

5 – Cherchez-vous à exprimer un message à travers vos sculptures ?

Dans un monde saturé de messages, je ne veux surtout pas faire une sculpture porteuse de messages. Mais seulement, si cela est encore possible, porteuse de silence. Juste un peu de silence, le silence de la pierre…

6 – Vos travaux diffèrent selon les époques… Ont-ils un lien ?

Si l’on excepte les tâtonnements liés au début d’une pratique, je pense que mon travail suit une même orientation depuis de nombreuses années.
Je parlerais, pour le définir, d’évolution en spirale : parfois l’on pense changer radicalement de préoccupation, mais l’on s’aperçoit que l’on se rapproche de travaux effectués antérieurement et que l’on avait oubliés. On ne tourne pas en rond, mais on avance par cercles concentriques.
_7 – Qu’attendez-vous de celui qui regarde vos sculptures ?

Il n’est pas question d’imposer une façon de regarder mes pièces ; chacun regarde avec sa propre subjectivité. Mais cependant, pour accéder à ces sculptures, il faut accepter de participer, prendre le temps de se projeter dans ces espaces intérieurs, parcourir les zones d’ombre pour entrer dans leur lumière. Les sculptures ne s’offrent qu’à ceux qui savent prendre leur temps.

8 – Toutes vos créations (sculptures et bas-reliefs) participent-elles de la même recherche ?

Quelle que soit la matière utilisée, la recherche reste la même. Les volumes sont simples, les formes basiques, mais toujours légèrement fuyantes ; il s’agit de rechercher l’équilibre dans le déséquilibre, l’harmonie par la rupture.
Mon travail est centré sur la notion de passage ; mes outils sont l’ombre et la lumière. J’utilise l’ombre pour faire jaillir la lumière, celle-ci n’étant jamais aussi présente que quand elle est dévoilée par l’ombre. Je voudrais que ma sculpture atteigne ce « rien infiniment riche » dont parle Paul Valéry, cette esthétique du silence.