Combas m’a tuer, Truphémus m’a bercer
Aurai-je du pousser les portes du MAC ? Dans l’escalier déjà, Combas nous regarde, droit dans les yeux. Chevauchant un cheval à talon haut. Le cheval bouge la queue. Premier indice. Ce n’est pas une expo comme les autres. C’est du rock. Premier étage : des femmes, des femmes. L’artiste court de l’une à l’autre. Affairé, affamé. Fanny, Ketty, la secrétaire occasionnelle, les négresses à plateau, la jeune pute naïve, la belle Geneviève. Saturation de chairs, saturation de couleurs. J’ose à peine lever les yeux. Je passe au second. Quelques chefs d’œuvre de 2010-2011, puis la salle des crucifix. Mon dieu, serait-ce une crise mystique ? Ricanements intérieurs. Je n’aurai pas du. Soudain un fracas d’os à l’arrière. Le christ descend lestement de sa croix : c’est Combas, cassé, désarticulé, bavant, le regard en feu. Sexe en avant, tendu, crochu. Que me veut-il ? Je file. Pousse une porte. WC Hommes. Deux travelos peinturlurés y font des choses improbables. Cabine close. Ouf ! Mais Combas à la porte. Je sens son haleine. Il tambourine mécaniquement. Le son s’émousse, s’éloigne. Je souffle. Alors un bouillonnement agite la cuvette. Je lève le battant. Le visage de Combas est dans le fond des chiottes. Avec un grand sourire fétide, au gré des bouillons. Fuyons. Les gardiens de Raspail bloquent les sorties. Je monte au troisième. Un beau coq chantant me prend sous son aile et s’envole. Les quais du Rhône défilent dans le couchant. Il me lâche sur le tas de sable du chantier des confluences.
Il faut sortir du sable. Je remonte la Saône. Sur un grand garage, le mot Truphémus clignote en lettres rouges dans la nuit. Un nom de médicament. C’est ce qu’il me faut. Je finis par trouver une porte coulissante. J’entre dans la serre. Une brume légère enveloppe les cloisons et les oeuvres. Des fenêtres ouvrent sur des jardins touffus. La ville est faiblement éclairée derrière les verrières. Tout est calme. Les visiteurs glissent comme des ombres. Seuls les oiseaux pépient dans les branches ou sur le seuil des portes. J’entre dans une maison aux volets clos. Les couleurs sont douces et magiques. Je salue le peintre, méditant devant sa cheminée. Et m’allonge sur le divan rouge. Plus tard, une gardienne me réveille doucement : « Il est 4h monsieur, nous allons fermer ».