Née à Grenoble (France) en 1992, puis diplômée de l’École Supérieure d’Art et de Design de cette même ville en 2013. Je pars ensuite vivre en Espagne afin de poursuivre des études parallèles en Histoire de l’art. À Valencia je trouve un atelier (La Persiana), ou plutôt un lieu d’ancrage, depuis lequel je travaille aujourd’hui. Partant d’une présence très forte de la ligne, ma pratique artistique rompt peu à peu avec les limites du dessin pour se tourner vers la peinture. Je me situe à mi-chemin entre ces deux techniques, travaillées principalement sur papier. Je dessine et je peins pour ne pas entendre mais écouter ; pour ne pas voir mais regarder. Le recours au geste est pour moi fondamental, il rend tangible tout ce foisonnement, les gens dans la rue, la couleur des cernes, la quotidienneté cruelle et merveilleuse. L’humain et sa condition d’humain. L’individu, les relations, l’appartenance à la masse. La solitude. Comme Giacometti, de face et sans détour.
Le dessin et la peinture me permettent de tenter une traduction de ma perception du monde extérieur et de la morbidité d’une époque, de me frotter à l’ordinaire, au quotidien et à une certaine trivialité du réel. Dépeindre des états existentiels, à l’intérieur desquels le regardeur peut se projeter. La figure, la structure linéaire des choses, des corps et des visages, sont pour moi importantes parce qu’elles rendent l‘image possible, comme cernée, et me permettent alors d’intervenir. Peindre c’est un arrêt, une pause sur ce flux impétueux, étourdissant, d’images. La figuration est un moyen d’analyse mais aussi de subversion du réel, une métamorphose. Une sublimation. Comme un pont vers celui qui regarde, elle me permet de créer quelque chose de beau et d’intense, voire aussi de dérangeant. Une expérience intérieure fragile, vitale.
La photographie est une source d’inspiration inépuisable qui me fascine. Une photographie trouvée c’est une rencontre à la fois intime mais pourtant étrangère et anonyme, qui me permet de dire des choses, des choses dont je ne parlerais peut-être pas sans elle. Elle facilite la mise à nu.Je travaille également à partir de portraits volés dans la rue. Je capture la vision introspective que j’ai de visages qui sont comme plongés en eux-même, les expressions fugaces et insondables qui soudain m’émeuvent. C’est en Espagne que j‘ai commencé à m’intéresser au portrait. Le caractère propre et cru des visages, leur transparence, sans masques, c’est comme de l’argile sous les doigts.
Le mot du Critique d’Art
Scruter l’humain dans sa figuration peinte et dessinée, tel est l’envie et la nécessité d’artiste de Manon Guillet. « La figuration est un moyen d’analyse mais aussi de subversion du réel, une métamorphose. Une sublimation. Elle casse les schémas de perception. Comme un pont vers celui qui regarde, elle me permet de créer quelque chose de beau et d’intense, voire aussi de dérangeant. » dit-elle
Les photos, perdues, décolorées, froissées, d’anonymes ayant vécu ou peut-être disparus, sont ses sujets d’émotion et d’inspiration, son chemin pour dire l’Être dans son intériorité et sa mémoire. ..avec le dessin et la peinture comme somptueux vecteurs de ce voyage.
Pierre Souchaud
Source : Critic’Art