Une nouvelle série au plus près des plantes

, par jacques

Dans cette nouvelle série, s’inscrivant dans la suite de ses récents travaux au Jardin des Plantes de Rouen, Akira Inumaru (né en 1984 à Ibaraki, Japon) puise à nouveau dans le répertoire des formes botaniques. Au-delà de la traditionnelle relation de la peinture à la nature comme « réservoir des formes », Akira Inumaru voit bien plus qu’un dictionnaire formel dans ce qu’il nomme le « langage des plantes ». Si chaque toile incorpore les tracés délicats de fleurs et de feuilles trouvées dans les pages d’anciens herbiers, il ne faudrait pas pour autant résumer sa peinture à la simple imitation des contours morphologiques des végétaux. Car sa pratique dialogue avec la nature par d’autres voies, des voies plus élémentaires. Si la peinture d’Akira Inumaru peut être qualifiée ainsi, c’est bien qu’elle est en tous points conforme aux différents sens du terme « élémentaire ». Elle entre en dialogue avec les forces naturelles, avec les « quatre éléments » que sont la terre, l’eau, l’air et le feu, mais elle explore également « ce qui vient en premier » dans la nature, à savoir la lumière et l’espace qu’elle traverse.

Ce qu’Akira Inumaru lit dans les herbiers centenaires à partir desquels il compose ses toiles, c’est la trace d’une manifestation lumineuse révolue. A la manière de la dendrochronologie, il y devine une preuve de plus de l’incroyable capacité d’enregistrement du temps dont la nature semble capable. Cette possibilité, celle de recueillir l’état du monde à une époque donnée, trouve son essence dans la lumière.

Lorsque l’on décrira la peinture d’Akira, le sens ancien du terme « médium » (celui que la biologie utilise encore de nos jours, à savoir le médium comme le milieu de culture des végétaux et des cellules) semblera un outil conceptuel fort à propos. Le caractère élémentaire de sa peinture joue de la possibilité de tout envisager à partir de ce médium premier, de cet espace traversé de rayons de lumière qui pour Newton est le milieu dans lequel les phénomènes physiques surgissent et se déploient. Chez Akira Inumaru, la lumière devient médium. Elle pénètre la toile, détruit sa prétendue matérialité, ouvrant à une transparence révélatrice. Si notre expérience quotidienne rend le médium élémentaire invisible (excepté peut-être les jours de brouillard qui semblent révéler une forme de matérialité de l’environnement), l’originalité de la peinture d’Akira est qu’elle en fait son thème principal. Au-delà de l’opacité moderniste du plan pictural, on assiste chez Akira Inumaru à une ouverture poétique vers un régime de transparence, comme un rêve de dépassement des dualités philosophiques qui opposent le matériel au spirituel.

Si le regardeur croit lire dans la peinture d’Akira Inumaru la confirmation de croyances métaphysiques, d’une dialectique de la clarté et de l’obscurité à l’œuvre dans la spiritualité occidentale –de cette moralité qui tranche dans la complexité du réel entre « bien » et « mal » –, il semblerait cependant que la lumière, ce grâce à quoi Akira Inumaru compose ses toiles et ce qu’il considère comme un moyen pictural tende plutôt à révéler la nature dans sa réalité la plus vaste et la plus élémentaire, en tant qu’elle est l’espace premier de la création du sens, le médium de toutes les médiations. On pourrait ainsi affirmer en paraphrasant Ralph Waldo Emerson que la peinture d’Akira Inumaru n’est jamais « divorcée de la superstructure du beau », jamais coupée d’une nature entendue donc comme un cadre de référence, un arrière-plan ou encore un « médium », dans le sens ancien du terme.

Pierre J Pernuit
Mai 2019