Avec insistance et délicatesse, Didier Hamey accorde à la gravure toute sa souveraineté et sa poésie. En haut d’un étrange cognassier, d’un pain de sucre ou ce qu’on peut prendre comme tel tout un peuple emménage et s’envole avec autour de lui des oiseaux tout aussi étranges que lui. Les référentiels de l’artiste ne se font pas forcément dans le réel.
L’imaginaire de l’artiste monte toujours un peu plus haut que les cimes de la raison pour y voir un peu plus loin, dans toutes les directions et mettre les sérieux en abyme.
L’ensemble comme les détails font partie du charme d’une telle imagerie. Il est vrai que le geste donc la technique de Hamey sont parfaits. Cela permet à l’imaginaire de battre la campagne là où la figuration se moque des genres (portraits, animaleries, paysages) et c’est pourquoi les natures ne sont jamais mortes.
Dans chaque gravure s’imagine des ailleurs là où la drôlerie est constante pour fabriquer un monde qui ne sent ni l’encaustique ni la bougie mais des parfums pâtissiers ou bucoliques.
Certains bestiaux semblent porter de grands imperméables noirs. Ils regardent les filles et aiment les séduire sans pour autant grimper sur une mobylette « Paloma » verte et foncer comme une bête humaine Et si certaines bestioles s’écrasent le menton, ce n’est pas faute à un accident mais par décision de l’artiste.
D’autres silhouettes portent des sortes de chaussures comme en ont les gangsters chics ou les chefs de bande. Bref, il y a tout un monde de voyous mais celui d’Alice au Pays des Merveilles n’est pas oublié. Chacun veut vivre au grand air sur des plages bretonnes. Mais pas seulement. De tels personnages semblent ne jamais être là où on les voit mais c’est ce qui fait la force poétique d’une oeuvre faussement naïve.
Car il existe toujours un “Ah mais !” aux perspectives cavalières ou hippiques.
L’artiste digne successeur de Virgile et de Marcel Gotlib nous y convie.
jean-paul gavard-perret