Créé à Paris, le mouvement est donc d’emblée international par nature, par volonté d’échapper aux cloisonnements et aux terrorismes intellectuels de son temps.
Ce sont des jeunes gens en colère qui refusent aussi bien le réalisme socialiste à la mode (Les Lettres françaises) que le rationalisme occidental érodé par la seconde guerre mondiale. Ils se tiennent à distance des querelles formelles autour de l’abstraction, sont proches, mais par bien des côtés différents des surréalistes. Ils valorisent l’expérimentation et la vitalité d’une poétique libertaire. Pas loin de la pensée de Bachelard (dont Jean Raine a fait un beau portrait) et des écrits de Carl Jung.
Ce qu’ils veulent, c’est la liberté par rapport aux écoles établies, la spontanéité du geste créatif, l’association des genres (musique, poésie, peinture, théâtre…), le travail collectif. « (…) ils vont chercher leur modèles auprès de formes artistiques non encore contaminées par les normes et les conventions de l’occident : les totems et les signes magiques des cultures primitives, la calligraphie orientale, l’art préhistorique et médiéval » [3]. Ils intègrent les créations d’enfants ou celles d’handicapés mentaux. Il faut peindre/écrire/agir dans l’urgence, dans la nécessité et l’intimité de son être, pour exprimer ce qu’il y a de plus profond.
Jean Raine est-il un peintre COBRA ?
La question mérite surement d’être posée. D’abord l’artiste est de ceux qui n’ont pas de revendication d’école, fusse-t-elle celle d’une mouvance anti-école. Ensuite la majorité de son œuvre plastique est postérieure à la dissolution du mouvement comme c’est aussi le cas de celle d’Alechinsky et de bien d’autres. Accompagnant les artistes du groupe, il était alors essentiellement poète et cinéaste. Alors est-ce un peintre post-COBRA ? Peut-être. Mais si l’on considère maintenant, non pas la chronologie, mais sa vie tourmentée et son œuvre qu’il place au cœur de son tourment, sa touche spontanée et vive, sa palette tendre et violente, le renouvellement continu de son inspiration, la force de son expiration, alors c’est plutôt comme un artiste hyper-COBRA qu’il faudrait voir Jean Raine, celui qui porta à son ultime limite, l’extrême singularité COBRA.
Jacques Fabry