Ma première estampe, je devrais plutôt dire mon estampille, ce fut un tampon que j’avais fabriqué dans une lamelle de pomme de terre qui représentait la faucille et le marteau que j’avais badigeonné d’encre violette pour pouvoir l’imprimer. J’espérais de la sorte recueillir les éloges de mon institutrice Barbara Saforovna que je croyais à tord vouée à la cause prolétarienne ; c’était en 1943, j’avais 9 ans et j’avais faim.
Quelle ne fut pas ma déception quand elle me dit avec sa voie sèche ; "Gricha regarde, tu as encore sali tes mains" ! Je me consolais en pensant que j’avais trouvé un moyen de multiplier l’image, et je trouvais cela très original !
J’étais persuadé que les premières estampes connues avaient été fabriquées de la même manière.
(...) Après la guerre, j’ai atterri à l’école des Beaux-Arts, en terre sainte, à l’école Betsalel de Jérusalem. On avait d’excellents professeurs venus du monde entier et surtout du Bauhaus, cela ne nous empêchait pas de rêver de paris qui était à l’époque notre terre sainte à nous, notre Jérusalem.
Mon rêve s’est finalement réalisé, j’ai reçu une bourse pour faire mes études à l’école des Beaux-Arts de paris.
Mais ce qui a déterminé ma passion pour l’estampe, c’est ma rencontre avec Robert Nikoidsky, élève du même cours à l’Ecole des beaux-Arts, qui m’a fasciné par son immense talent et ses connaissancesq techniques qui dépassaient largement celles de nos professeurs. Et par ces lignes, j’aimerais lui rendre hommage. Je le considère comme un des plus grands graveurs contemporains que j’ai connu.
Par la suite j’ai continué à étudier la gravure, partout où j’en avais l’occasion : aux cours du soir de la Ville de Paris, chez le graveur Delpeche, l’imprimeur Georges Visa et même plus tard, chez mes élèves.. En 2004, j’ai découvert l’estampe numérique chez mes voisins, les architectes. Cette nouvelle technique m’a immédiatement passionné ; j’ai rencontré des techniciens de chez Epson qui m’ont aidé à assimilé la digigraphie. Ils m’ont gratifié du titre de sage, ce qui prouve bien qu’ils ont gardé un peu de naïvité.
J’ai adopté la formule du camarade Lénine : apprendre, apprendre et apprendre, tant qu’on est vivant et même après si c’est possible.
Zwi Milshtein
Publié à l’occasion de la rétrospective "Miilshtein, du bois gravé à la digigraphie" Musée des moulages - Université Lyon2 - 2009.
Exposition au Sénat et ailleurs
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"C’est que Milshtein est un avant-gardiste. Un alchimiste de la couleur, un inventeur un peu fou – il ressemble d’ailleurs physiquement à Professeur Tournesol, la bedaine et la capilarité blanche en plus !
Il a fait fabriquer une presse pouvant tirer des lithographies de plus de 3m de long. Il peut également utiliser un microscope pour graver une planche d’un millimètre.
« Ses gravures sont toutes uniques », précise Alin Avila, « car les plaques de couleur bougent lorsque la presse tourne ». Ainsi, en fonction des tirages, les éléments graphiques – des visages, des timbres, des notes de musique, des pièces de monnaie, etc. – se retrouvent décalés. Jusqu’à se superposer les uns sur les autres et à engendrer un effet visuel complètement nouveau.
Souvent, un texte vient s’intercaler dans les gravures. En différentes langues. Afin de rappeler le lien essentiel entre la lithographie et le livre.
Ailleurs, des peintures aux couleurs flamboyantes, expressionnistes, qui, dixit l’artiste, « sont marquées par l’influence de Bosch, Brueghel, Goya et Soutine ».